L'un, à l'origine une pièce d'habitation, avec carrelage d'un autre temps et cheminée fermée, rendue à l'état décoratif. Petit, fonctionnel, encombré, il a pour vocation le façonnage : tournage et modelage exclusivement. Les pièces ainsi formées s'alignent en "rang d'oignon" en vue d'un séchage. Leur dureté relative sera garante de la poursuite de l'œuvre.













Après la traversée d'un jardin de curé aux proportions harmonieuses, à trente pas, l'autre, plus spacieux, une ancienne forge poursuivant en cela sa vocation artisanale, regorge de bassines à demi remplies de bains d'émaux, prêts à revêtir les panses des pots. Après immersion ou coulée à la louche, restent collées à l'argile des poussières de minéraux prêtes à se métamorphoser en habits de lumière.



Adossé à la grange, un appentis couvert abrite une construction cubique chapeautée d'une voûte. D'un volume de mille trois cent litres utiles, c'est de là, du fin fond d'un tas de briques, appareillées de manière savante que se révèlera l'œuvre céramique.

Les quatre brûleurs à air pulsé crachent bruyamment leur dard : oxydant, réducteur c'est selon. Des flammes violentes dansent autour de l'argile. De ce traitement, une quinzaine d'heures seront nécessaires pour la durcir. La montre pyrométrique numéro neuf s'est prosternée avec l'assurance tranquille que tout est joué, seules quelques molécules d'oxygène invitées par l'interstice des briques viendront en partie troubler la donne.






Au cours du refroidissement, là où toutes les tensions du four se relâchent, l'oreille y entendrait en son sein les cliquetis et les craquements sinistres des matériaux revenants à la vie. L'homme de métier, à postériori, s'interroge, évalue ses prises de risque, ses choix dans la solitude, vérifie ses hypothèses et finalement des ténèbres emmurées imagine le travail accompli : juste et équilibré.

Après plusieurs jours, à l'ouverture du coffre réfractaire, chaque brique démontée laisse venir à la vie des scories parfois des pépites, traces d'humanité, loin d'une production de pacotille mondialisée inondant les étals de négociants.

Mesurer la différence entre l'imaginaire du tupinier et le verdict du feu voilà ce qu'est le défournement : le témoin de son travail. Avez-vous vu cette courbe anthropomorphique reliant pied et col, en passant par panse et épaule, cette infime constellation d'émail, ce coup de pinceau libre et vivant, cette lumière opalescente renvoyée par une épaisse coulée d'émail satiné ? C'est de là que le potier repartira pour un éternel recommencement, la passion chevillée au corps, en quête de mieux, si possible. Son crédo, habiter poétiquement la terre.

Il lui reste à rassembler ses forces et continuer…

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